
Maître des lieux
Messages: 983
Inscrit le: 24 Sep 2005, 10:43
Localisation: Brabant Wallon.
Tugh, Bannière, Etendard, Drapeau et Cie
Tugh, bannière, étendard ou drapeau sont divers mots désignant parfois la même chose et parfois des objets différents.
Dans cet article, nous allons vous présenter quelques exemples et ce, même si les sources ne sont pas nombreuses.
-Le "Surmont" :
Le “surmont” désigne un objet qui était fiché à l'extrémité d'une hampe en bois. De nombreux “surmonts” ont été retrouvés dans des tombes de l’époque scythe.
C'est sans doute le premier type d'emblème sur hampe.
Certains représentent un animal en miniature et d’autres ne présentent que la tête. Les animaux sont principalement des bouquetins ou des cerfs, parfois un griffon ou un monstre ailé dévorant sa proie.
Ils sont, généralement, réalisés en bronze mais on en trouve également en bois (recouvert de feuilles d'or), en cuir et en argent.
Certains sont accompagnés de grelots.
Ci-dessous : surmon en bronze - hauteur : 15,5 cm - IVème siècle av J-C - découvert dans le kourgane d'Alexandropol en 1853.

Source du dessin : L'Art russe de Viollet-le-Duc
Malheureusement, il nous est impossible de savoir si ces hampes au “surmont” avaient un usage militaire, civil ou religieux, ni si ils étaient accompagnés d'une pièce de tissu faisant office d'étendard.
-Le Draco :

Source : photo d'un draco reconstitué par les Foederati
Le Draco est une enseigne militaire tout à fait particulière utilisé par les cavaliers sarmates.
Il représente un grand dragon dont la tête en métal ( souvent en bronze) est fixée sur hampe en bois tandis que le reste du corps était formé d'étoffes peintes (ou de peaux). Ce manchon en tissu se gonflait sous l’effet du vent et animait l'animal comme si celui-ci était vivant.
Des enseignes de ce type figurent fréquemment sur les colonnes de Trajan et de Marc-Aurèle.
Au IIIème siècle ap J-C cet étendard fut adopté par les troupes romaines. Dans un premier temps par les troupes de cavaliers sarmates qui servaient d’auxiliaires. ensuite par l’ensemble de l’armée. En effet le draco était l’enseigne d’une cohorte.
Il fut porté aussi bien par la cavalerie que par l'infanterie et remplaça même l'aigle au Vème siècle.
Le draco devait garder un grand prestige jusqu'à la fin de l'empire d'occident (476) et fut gardé dans l'empire byzantin jusqu'au Xème siècle.
Ci-dessous, une autre source de 'draco' provenant d'Asie centrale :

Plaque d’os provenant de la nécropole d’Orlat près de Samarcande (Ouzbékistan actuel). La datation est incertaine, entre le IIIème et Ier siècle av J-C.
On peut observer, au centre, un cavalier utilisant un 'draco'.
-Le Tugh :
Le Tugh, mot d’origine turque, est présent chez les turco-mongol.
Il se présente comme une hampe, plus ou moins longue et portant à son sommet une queue de yak ou de cheval.

Modèle de tugh mongol, avec un trident à son sommet.
Il sert de signe de ralliement et avait une forte connotation chamaniste. Les Mongols pensaient que l’objet était habité par le “Sülde” (l’esprit de l’armée).
A l’époque de Gengis Khan, il existait un objet relativement identique qui portait le nom de “Grande Bannière” et qui se présentait comme suit : Une hampe au bout de laquelle était accroché 9 queues noir en poil de Yack.
Ci- dessous , on peut voir le porteur du ‘tugh’ en bas à droite

Source : Détail d'une peinture sur soie du peintre chinois Liu Kuan-tao (1280) "Khubilaï Khan à la chasse" / Taipei National Museum.

Hulegu Khan à la chasse.
On retrouve le tugh chez les Türks Ottomans.

Modèle de tugh chez les Türks.
Son emploi devient plus utilitaire. en effet, il sert d’emblème pour certains officiers qui le reçoivent du sultan (un peu comme le Baton du maréchal).
Le nombre de queues de cheval correspondait à leur rang : trois queues pour un vizir, deux pour un belerbey

Aga Serdengecti, commandant une unité d'assaut, XVIII ème siècle.
Il sera encore utilisé par les hetmans polonais, et chez les Cosaques de l'Ukraine.
Curiosité : la "tradition" du tugh est encore présente dans l'armée belge au 3ème Lancier :
Afin de garder une relation visuelle avec l’époque où nous étions encore à cheval, une queue de cheval était suspendue à toute lance qui arborait le fanion d'un Commandant d’escadron.
Cette tradition porte le nom de : "La Tough".
Les 3ème Lanciers ont mélangé "la tough" et le fanion, créant les signes de ralliement et de commandement que sont devenus les fanions des Escadrons.
Aujourd’hui, on parle de "tough" en désignant un fanion monté sur sa hampe à queue de cheval. En fait, "la tough" désigne seulement la hampe et les crins de cheval.
Au fil des ans, la plupart des unités de cavalerie belge adopteront cette tradition qui perdure aujourd'hui.
On n’enploi jamais la queue des juments, l'urine de celles-ci jaunit les crins et la rend impropre à cette destination !
- Les Etendards :
Dans cet article, j’ai choisi d’employer le mot ‘Etendard’ à la place de “Drapeau” qui a une connotation trop moderne.
Les étendards des "peuples Cavaliers" furent certainement très nombreux et très variés. Malheureusement, peu d’entre eux sont encore connus aujourd’hui.
On peut supposer que les motifs de ceux-ci se étaient amplement nourri de symboles chamaniques intégrant le plus souvent le ciel bleu , le soleil, la lune ou des étoiles mais aussi des animaux, comme le loup ou certain oiseaux ou encore de dessin de Tamga.
La forme de ses étendard pouvaient être multiples : carré, rectangulaires, triangulaires.
Ci-dessous, on peut observer un porte-étendard (en haut à gauche) :

cavaliers mongols d'Iran (Ilkhan)
Ci-dessous, un modèle d'étendard utilisé en complément avec un tugh (Mongols d'Iran au siège de Bagdad,1258).

Source : Miniature tirée du manuscrit de Rachid al Din
Voici quelques exemples d’étendards :
Étendard Wusun :

source:'Les Premiers Cavaliers' de Frank Trippett au Editions Time Live / The Metropolitan Museum of Art.
Cette miniature est tirée d'un manuscrit réalisé sur un parchemin en soie (XIVème siècle). Il est la copie d'un document original perdu. celui-ci racontait la vie d'une jeune princesse chinoise, Liu Xijun, donnée en mariage au roi des Wusun vers 110-105 av.
Attention, cette miniature datant du XIVème siècle, le peintre désirant décrire des nomades Wusun ( Ier siècle ap J-C) à pu dessiner des nomades de son époque, c’est à dire, des Mongols du XIVème, plutôt que des Wusun.
Les étendards représentés sur cette miniatures ne montrent donc peut être pas de vrais étendards wusun mais un type d'étendard utilisé au XIVème siècle par les nomades de cette époque.
Etendard de Yesügeï :
On pense que le faucon était le symbole du clan de Yesügeï (le père de Gengis Khan).
Le modèle présenté ci-dessous à été réalisé à l’occasion du 800ème anniversaire de Gengis khan et à été utilisé dans un grand spectacle qui s’est tenu dans la steppe à quelques kilomètres d’Ulaan Baatar en aout 2006.

Ci-dessous, les étendards de différents khanats.
Les sources proviennent de “l’Atlas Catalan” un ouvrage réalisé en 1375 (fleuron de l’école cartographique majorquine du XIVème siècle) et donc certains modèles sont basés sur les écrits de Marco Polo.
Etendard de la Horde d'Or (comportant un Tamga) :

Source : Manuscrit du XIVème siècle / Atlas catalan / bibliothèque de Charles V de France.
Etendard des Ilkhans (Mongols d'Iran) :

Etendard du Khanat de Djagataï :

Etendard du Grand khan :

Etendard de la flotte mongole (Dynastie Yuan) pendant l'invasion du Japon (selon la chronique illustrée du japonais Ekotoba Shurai Moko) :

Etendard Timouride :

Etendard des Türks Osmanli ( Futur Ottoman) avant 1326 (comportant un Tamga) :

Etendard de la Dynastie Ottomane (de 1326 à 1517) :
